EXTRAITS d'OUVRAGE

La Chapelle Saint-Laurent-des-Aulnes
à St-Vigor-des-Mézerets
(à l'usage des pèlerins)
Par Frédéric ALIX

édition 1927



NOTICE sur La Chapelle Saint-Laurent-des-Aulnes
A l'extrémité du territoire de Saint-Vigor-des-Mézerets, sur la rive droite de la Druance, aux confins de Perrigny et de Saint-Pierre-la-Vieille, s'élève une chapelle moderne bâtie à quelque distance d'une ancienne. Les vieux titres la nomment Saint-Laurent-des-Prés ou des Aulnes. Nous trouvons en 1261 Samson Beaudouin de Perrigny vendant au prieuré du Plessis Grimoult toute la terre et l'aulnaie qu'il possédait à Saint-Laurent entre la Druance et le bief du moulin de Lehidon (1). Et 40 ans plus tard Samson leTouzé, fils de Samson Beaudouin, cède au prieuré tous les droits qu'il pouvait avoir et prétendre sur cette aulnaie (2).
L'existence de la chapelle primitive est attestée dès le XIIme siècle. Elle avait été édifiée sur le fief de la famille Le Boeuf, qui possédait Saint-Vigor-des-Mézerets, Estry et le domaine de Cantelou à la Roque. Le hameau et le moulin du Boeuf nous ont conservé son nom. Par diverses alliances, ces héritages passèrent dans la famille de Clinchamps (3).
Vers 1150, Hugues de Clinchamps, seigneur des Mézerets, d'Estry et de Rosel, donne aux moines du Plessis les églises dépendant de ses fiefs, et quinze ans plus tard, Philippine, sa fille, ratifie et augmente les dons faits par son père. EIle cédait au prieuré les églises de Saint-Vigor-des-Mézerets, de Notre-Dame d'Estry, de Saint-Pierre et de Saint-Martin de Rosel, la chapelle de Saint-Laurent-des-Aulnes et la dîme du moulin de sa villa des Meserets. De ses deux maris successifs, Raoul de Hamars et Robert Patry, Philippine ne laissa pas d'enfants et ses biens échurent à ses neveux.
Par un contrat d'échange de 1297, Guillaume Ercember, de Saint-Vigor, cède aux religieux du Plessis un pré sis dans la vallée de Saint-Laurent-des-Aulnes (4).
Cette chapelle était très fréquentée au Moyen-Age : un pont avait été établi sur la Druance pour le passage des pélerins. Nous trouvons mentionnée, en 1388, dans l'aveu que fait la reine Blanche de Navarre, de sa chatellenie de Condé, le pont Escoulant, le pont Saint-Laurent-des-Aulnes, le pont de Biholes, le pont de Marsengle etc.
Des aveux de 1434 et de 1532 signalent les mêmes passages (5). A la Révolution, la chapelle fut détruite et la statue du saint brisée. Un habitant du Val Mérienne, à Saint-Pierre-la-Vieille, fermier du pré Saint-Laurent, abandonna la tête du saint à ses enfants qui s'en amusaient en guise de boule. Tous les ans le foin du pré était perdu par les pluies et les inondations. Les voisins n'auraient jamais voulu faucher en même temps que ce fermier dans la crainte de voir leur récolte compromise. Cet état de choses ne cessa qu'au rétablissement de la chapelle. Ces détails m'ont été racontés par un vieux parent contemporain et voisin du mécréant.
Le revenu se composait des offrandes des fidèles et du revenu d'un pré, dit le Pré Saint-Laurent, d'une contenance de trois hectares, sur lequel était élevé le modeste oratoire. Ce terrain fut loué le 9 juin 1666 pour 60 livres, à Pierre Bréard de Perriqny; le 6 avril 1735 à Michel Bourdel, sieur du Taillis de Saint-Pierre-la-Vieille pour 48 livres et 4 poulets, payables au jour Saint-Laurent (6). Le 15 juin 1773, Gilles Samson de Lenault prend ce pré à bail pour 120 livres, 2 chapons et 6 livres de sucre fin (7). A la Révolution, cette propriété devint bien national et nous voyons, en 1791, Guy Le Marchand, de Saint-Vigor-des-Mézerets, en demander l'acquisition (8).
Saint-Laurent avait pour chapelain un moine du Plessis qui, percevant le revenu, assurait le service de la chapelle. Nous avons trouvé comme titulaires :
Dom Geoffroy de la Bigne, 1600.
Dom Pierre Pecquet, 1605.
Dom Jacques Leber, 1631.
Dom Jean Quesnel, 1641.
Dom Jean Douard, prieur de Feuguerolles, 1666.
Dom Gilles Louet, 1708.
Dom Gilles Buot, 1755.
Dom Jean Poterlot, 1757.
Jean-Baptiste Le Page de Valencé, chanoine de Saint-Lô, 1781 (9).
Depuis longtemps, la chapelle Saint-Laurent ne voyait plus de pélerinages organisés. Cependant sa renommée n'avait pas cessé et beaucoup de personnes s'y rendaient isolément. En 1925, M. l'abbé Lemonnier, curé de Saint-Pierre-la-Vieille et desservant de Perrigny, M. l'abbé Delaunay, curé de Saint-Vigor-des-Mézerets et desservant de la Chapelle Engerbold, ont eu l'heureuse initiative de faire revivre les anciennes traditions et plus de 500 pélerins les ont suivis avec enthousiasme. Daigne Saint-Laurent les bénir ainsi que celui qui, pour sa gloire, a écrit ce modeste opuscule.

NOTES
(1) Arch. du Calv., H. Plessis-Grimoult, Ch. 525-540.
(2) Bib. de Caen, ms. in-8, n° 43.
(3) A. Hozier. Armorial, vol. XI, reg. VII. - Noullens: Hist. généalogique de la maison de Clinchamps. Paris 1884, passim.
(4) Arch. du Calv. H. Pl. Gr., ch. 518-521-542.
(5) Arch. municip. de Condé, G. G. 2è série.
(6) Arch. du Calv. H. Plessis-Grimoult, liasse Saint-Vigor.
(7) Bib. de l'Arsenal: Ms. Lecoq.
(8) Arch. du Calv. Q.
(9) Arch. du Calv. H. Plessis-Grimoult. - Bib. Ste-Geneviève, ms. in-4, n°75

Cet ouvrage a été consulté à la bibliothèque de Caen, salle "documentation régionale et patrimoine."

Résumé
oratoire Chapelle St-Laurent-des-Aulnes ou des-Prés.
Existence attestée au 12è siècle, détruite pendant la Révolution, reconstruite en 1873 et restaurée en 1925. Aujourd'hui à l'état d'abandon.
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Inscriptions sur le fronton : ORATOIRE EN L'HONNEUR DE SAINT LAURENT, ÉLEVÉ SUR LES RUINES D'UNE CHAPELLE DÉDIÉE AU MEME SAINT. ÉRIGÉ PAR LES SOINS DE FRANCOIS HEBERT, D'ARMAND HEBERT ET DE VICTORINE HEBERT ET D'APRÈS LE DÉSIR EXPRIMÉ PAR LEURS PARENTS. EN L'AN 1873.
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